Jeanne DAVY

Dialogue avec Jean-Paul Droz, 20 janvier 2017

Jeanne Davy

JPD : Bonjour Jeanne, tu es photographe professionnelle, pourrais-tu faire un autre métier ?

Jeanne : c’est le métier qui me fait vivre mais surtout qui me nourrit intellectuellement et qui me comble, pourtant je ne suis pas née avec un appareil photo dans les mains. Dans les années 70 à Bourges, directrice de publication bénévole d’une lettre de contre-information sur les thèmes de l’époque, le Larzac par exemple, j’ai souhaité l’illustrer. Avec mon premier appareil je me lance dans le photoreportage, un style documentaire pour renforcer le propos de la publication. Une démarche en amateur même si cet appareil est devenu mon ami fidèle et mon labo dans un placard toujours prêt. J’ai continué à pratiquer des petits boulots dans le secteur de la création, du théâtre mais en même temps photographier le spectacle vivant fut une révélation, particulièrement avec les musiciens de Jazz. Epoque bénite, les autorisations ne sont pas nécessaires !!

JPD : je crois savoir que tu as été la photographe attitrée d’un monstre sacré du Jazz, Max Roach.
Jeanne DAVY: Martial Solal et Max Roach


Jeanne : oui j’ai eu cette chance pour ses tournées européennes, la rencontre s’est faite en 1991 lors d’un concert à Paris avec Martial Solal et Gary Peacock, à sa demande je l’ai accompagné pendant une douzaine d’années. Pour la petite histoire, Max m’a fait cet immense honneur d’être la seule personne présente lors de sa première rencontre avec ce stupéfiant pianiste Randy Weston avant leur mémorable concert à La Villette.


JPD : pour comprendre ce qu’un grand artiste comme lui a vu dans tes photos, parle-nous de ta façon de faire.


Jeanne : après avoir décidé de sauter le pas et devenir professionnelle, j’ai commencé par faire des portraits de personnalités lors d’interviews réalisés par mon ami journaliste. Toujours avec une lumière naturelle, je me fais oublier pour capter ce visage expression d’une passion.


JPD : tu t’effaces par humilité ?


Jeanne : pas vraiment, trop souvent les photographes parlent d’eux-mêmes, ma démarche est de créer les conditions pour que la personne soit elle-même. Suite à cette expérience et prenant mon indépendance, photographier devint pour moi le moment d’une relation. Nécessairement je passe d’abord du temps sans faire de photos avec la personne, souvent une journée. Se connaitre, échanger, établir cette connivence inhérente à la confiance. Puis un autre jour la séance proprement dite, pas de spot ou de trépied, le matériel le plus simple possible. Un 200 mm pour une certaine distance mais la voix est toujours là pour une présence continue. Il n’y a pas de moment arrêté.  

Jeanne DAVY: Mounia et sa fille Kenza

JPD : tu es une photographe au temps long.


Jeanne : oui je me nourris de cette relation à l’autre et il ne peut exister de relation sans rapport au temps. Pour revenir à Max Roach et plus généralement aux musiciens, mon travail de photographe se fait pendant les répétitions, les balances. Capter ces moments d’intense concentration, de créativité, de vulnérabilité aussi. Etre à proximité sans perturber leur jeu, être aussi partie prenante de ce qui se passe.


JPD : dans ton travail de professionnelle, il n’y a pas trace de tes engagements de jeunesse, de tes premières photographies plutôt documentaires.


Jeanne : ils sont pourtant toujours présents dans ma vie mais je ne me sens pas l’âme du reporter, je crains un peu le spectaculaire. J’aime mettre en valeur le côté positif de l’homme, je recherche la beauté dans les rides de la vieillesse car ce regard est lumineux ou dans la gaucherie d’un corps car il est profondément humain.


JPD : Jeanne, te vois-tu comme une photographe humaniste ?


Jeanne : je ne me pose jamais cette question, le matin je ne me dis pas, tiens je vais faire une photographie humaniste. Je pense être une photographe bienveillante, j’espère respectueuse de l’autre. Pour moi la photographie est un fragment d’une relation sincère entre deux humains, peut-être en ce sens je suis une photographe humaniste.

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Jeanne Davy

Dans les marais


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Nabil, Nora et Hacine

Mise en ligne: février 2017